Entre Rimbaud et Guy Moquet, Yun Dongju fut une figure de la poésie et de la résistance coréenne. Sa courte vie et l’œuvre majeure qu’il laissa imprégnèrent durablement la Corée moderne après la décolonisation. Celle-ci, toujours en quête de symbole à sa reconstruction en tant qu’État à part entière, continue d’investir la figure du jeune poète comme objet de mémoire de ces générations créatives et lettrées tragiquement perdues. K.Owls vous révèle l’histoire de ce jeune homme à la poésie juste et sensible que les circonstances de l’époque n’épargnèrent pas.
Biographie
Yun Dongju (윤동주) naquit le 30 décembre 1917 à Ryongjeong (aujourd’hui Longjing) en Mandchourie. Il grandit dans une famille chrétienne qui, sans être indépendantiste, souhaitait un avenir plus prospère pour la Corée. À l’âge de treize ans, le jeune garçon rédigea son premier recueil de poèmes, Sae Myung Dong.
Le père de Dongju avait ainsi surnommé chacun de ses enfants Haewhan (해환|尹海煥), Dalhwan (달환) et Pyeolhwan (별환) qui signifient respectivement « brillant comme le soleil », « brillant comme la lune » et «brillant comme les étoiles ».
Dongju étant le premier fils de la fratrie, son père s’opposa à ses désirs de poésie. Aussi, à peine âgé de 16 ans, le jeune homme s’enfuit de la maison familiale pour étudier les lettres à l’université de Yonhui*. Il en sortit diplômé à l’âge de 23 ans, mais son désir de poésie était tel qu’il choisit de partir étudier la littérature anglaise au Japon.
*aujourd’hui connue sous le nom de la célèbre université Yonsei
Deux années de poésie et de résistance
En 1942, le jeune Dongju se rendit à Tokyo pour suivre un enseignement en poésie anglophone. Il commença à étudier à l’université Rikkyo puis rejoignit l’université Dōshisha à Kyoto, six mois après son arrivée. Son changement de destination ainsi que les poèmes qu’il écrivit avant sa venue le firent repérerpar les services secrets japonais. Le 14 juillet 1943, il fut arrêté et enfermé dans la prison deKamogawa à Kyoto. Il fut alors condamné à deux ans de prison ferme pour trouble à l’ordre public, activités antijaponaises et participation au mouvement d’indépendance coréenne. Finalement, on le déplaça dans la prison de f*ckuoka où il mourut en février 1945. Sa santé fragilisée par les sévices et la torture l’achevaà quelques mois à peine de l’indépendance tant attendue.
Œuvres
La poésie de Yun Dongju aborde les thèmes de l’éloignement de la terre natale, du sentiment d’abandon, de la quête personnelle et de la résistance. La lune, omniprésente, s’offre comme conseillère, confidente et témoin à laquelle le poète déclame tous ses états d’âme. Entre conscience politique et quête artistique, sa poésie a évolué tout au long des années trentejusqu’à devenir un ensemble poétique mêlant désespoir, anxiété et solitude à des élans de courage, d’espoir et d’aspiration.
Profondément introspectifs et mélancoliques, les poèmes furent compilés en 1941 mais ne purent être publiés. En effet, leur caractère indépendantiste et les sentiments de résistance qu’ils révélaient ne pouvaient être acceptés par les éditeurs toujours sous occupation japonaise. C’est à titre posthume, en 1948, que le recueil Ciel, Vent, Étoile et Poésie(하늘과 바람과 별과 시) fut révélé aux Coréens. Subtils, délicats et optimistes, les vers de Dongju ne cessèrent plus d’accompagner la reconstruction de l’identité coréenne.
Yun Dongju au cinéma
En 2011, la Seoul Performing Arts Companya présenté une comédie musicale en l’honneur de Yun Dongju.
https://www.youtube.com/watch?v=tCbhurH9a28
Yun Dongju de nos jours
Si Yun Dongju a eu une importance vitale dans la reconstruction de l’identité coréenne après la décolonisation et la guerre du 25 juin 1953, il continue toujours, aujourd’hui, d’inspirer les Coréens. C’est surtout la génération « 3.86 » (mars 1986), qui lutta avec succès pour la démocratisation de la Corée, qui lui porte une affection particulière. Les communautés chrétiennes de Corée ont un attachement presque naturel à la figure de Yun Dongju. Les mouvements de résistance en Corée furent aussi liés, tout au long des XIXe et XXe siècles, à des mouvements religieux. Les Chrétiens persécutés d’alors investirent la figure du martyr et Dongju n’échappa pas à ce traitement.
Sur le plan littéraire, l’université Yonsei lui a rendu hommage en créant, en 1968, un prix de poésie à son nom.À Séoul, le quartier Jongno abrite plusieurs mémoriaux et musées en l’honneur du poète. Il est toujours considéré comme l’incarnation de l’artiste résistant qui par ses mots révéla les sentiments coréens que l’oppression empêchait d’exprimer. Associé à la liberté de parole, à l’érudition, à la jeunesse sacrifiée et à l’esprit de résistance, Yun Dongju est bien plus qu’un simple poète. Il restera encore longtemps dans l’imaginaire coréen comme le porte-parole délicat des sentiments profonds du pays du Matin frais.
Sources : Revolvy| Amitié France Corée | Korea.net| Musée à la mémoire du poète|Korean Poetry in Translation | Time Out
Article rédigé par Casado Hélène.
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